Trio NOBIS
Clara Novakova, flûte; Ravel : Sonatine - Matalon (création) : Formas de arenas - Takemitsu - Satie
Oeuvre écrite en 2001 pour le Trio Nobis et dédié à son harpiste, Nicolas Tulliez, Formas de arena de Martin Matalon (né en 1958), se compose de quatre mouvements enchaînés. Le premier, qui s’élabore autour de la flûte alto, est constituée d’une trame d’une grande transparence et d’un caractère aérien. Le matériau de la flûte donne lieu à de rapides va et vient entre les trois protagonistes. Ceux-ci établissent des liens complexes en tissant une sorte de “mobile” éthéré où les instruments se livrent à une réinterprétation mutuelle et constante. Elle va de l’imitation littérale, de l’écho, à l’allusion la plus libre, au jeu de miroir déformant dont la réflexion est brouillée par les innombrables changements de couleur.
Le deuxième mouvement est de conception plus simple mais tout aussi efficace. L’alto en surchauffe - la partition indique “son saturé” - y surgit dans un bruit de ferraille (“zingage” obtenu avec les pédales de la harpe) en lançant un mouvement en avant frénétique auquel participe la flûte, qui dessine à grands traits des lignes comparables à celles des fils électriques vus d’un train lancé à pleine vitesse. Dès que le mouvement faiblit un tant soit peu, il repart dans le tintamarre métallique de la harpe, qui envoie des appels et scande sans répit tout le mouvement.L’énergie cinétique dissipée, l’influx rythmique est capté, dans le mouvement suivant, par les trois temps d’une valse de caractère ludique, où les instruments s’enchevêtrent dans des phrasés imprévisibles...
Enfin, de caractère plus éthéré, le dernier mouvement met en valeur la harpe. Celle-ci pose le décor en établissant un balancement doux et lancinant et en construisant des figures évanescentes et d’une grande liberté. Les deux autres partenaires corroborent et développent ces figures en leur conférant parfois, par des bruitages et des modes de jeux (glissandi de l’ongle ou du doigt , zingage de la corde, pour la harpe, pizzicati et tongue ram pour la flûte), une couleur et un caractère particulier. Le trio s’achève d’ailleurs dans le mode de jeu pur : son éolien de la flûte, harmonique de l’alto et résonance de la harpe.C’est ce dernier mouvement qui a inspiré le titre de l’œuvre.
“Si je pense à une combinaison de flûte, alto et harpe,” écrit Takemitsu à propos de son oeuvre And then, I knew it was wind, “ce qui me vient à l’esprit est la sonate que Debussy réalisa vers la fin de sa vie. Et bien sûr, pendant que je composais cette pièce, je l’avais souvent en tête. Dans la mesure où le développement de ma musique a été influencé par Debussy, cette pièce est l’expression de mon respect pour ce grand pionnier. Mais en même temps, je voulais exposer mon propre univers musical en ce qu’il est différent de Debussy”.
L’hommage à Debussy est explicite, et se manifeste sous la forme de citations, celles des premières phrases de harpe et d’alto de sa Sonate. Inclusion de matériel musical qui rend plus indissoluble la parenté entre les deux créateurs et les deux oeuvres.